Depuis trois ans, Pierre-Emmanuel Guigo, maître de conférences en histoire à l’université Paris-Est Créteil (CRHEC), propose aux étudiants de licence 3 histoire un cours intitulé Humour et Politique. « L’idée est d’explorer la relation entre ces deux univers, des caricatures de la Révolution française à l’humour en ligne, en passant par les chansonniers, Coluche et Les Guignols de l’info », explique-t-il au Figaro Étudiant. Ce cours est directement inspiré de sa thèse sur Michel Rocard. « Je me suis intéressé à l’impact des émissions de divertissement sur la politique, à leur influence sur l’image des responsables et leur capacité à les moquer. Ce travail m’a servi de base. »

Un Cours Innovant pour Attirer les Étudiants

Le choix d’un format de cours original répond à un enjeu d’attractivité. « À Créteil, nous sommes en concurrence avec les universités parisiennes, souvent perçues comme plus prestigieuses par nos élèves, à tort. Pour éviter de perdre nos meilleurs étudiants, il faut innover », ajoute-t-il. Cette approche est bien accueillie par Xavier Habrant, étudiant en double licence d’histoire et de sciences politiques, qui a suivi le cours cette année : « Voir l’histoire contemporaine sous l’angle de l’humour politique, c’est vraiment novateur », exprime-t-il au Figaro Étudiant.

Évaluations Créatives et Engagées

Dans le cadre de ce cours, les étudiants sont évalués par des exposés, des devoirs et une dissertation. « Je leur demande également un exercice d’invention, qui compte pour 30% du contrôle continu, soit 15% de la note finale. Ils doivent créer, pour l’avant-dernière séance, une œuvre de leur choix sur la thématique du cours. Cela doit chercher à être humoristique, parler de politique et avoir une dimension historique, explique l’enseignant. Cet exercice permet aussi de révéler des talents que l’on ne repère pas forcément dans les devoirs classiques. » Cette année, les étudiants ont encore fait preuve d’inventivité. Guigo a partagé leurs créations sur le réseau social X avec un succès inattendu : « Mon post a été vu plus d’un million de fois, c’est du jamais vu pour moi. Pourtant, je fais cela chaque année ».

Xavier Habrant et le Monopoly de la Ve République

Parmi les réalisations de ses étudiants, un projet s’est particulièrement démarqué : un Monopoly de la Ve République, créé par Xavier Habrant. « Au départ, je voulais créer des cartes Pokémon avec des personnalités politiques, mais j’ai été devancé. J’ai alors pensé au Monopoly, qui symbolise bien la course à l’Élysée. Grâce à ma formation, j’avais aussi une bonne connaissance des scandales et polémiques politiques, ce qui m’a beaucoup aidé à intégrer de l’humour. » Une idée qui a impressionné Pierre-Emmanuel Guigo : « C’est intelligent, drôle et bien conçu ! »

Le principe du jeu est simple : « Le premier joueur à atteindre 17 millions d’euros de fonds de campagne – le plafond des dépenses pour un candidat au second tour de la présidentielle de 2022 – remporte la partie et accède symboliquement à l’Élysée ». Les cases représentent des circonscriptions électorales et des postes clés, avec des cartes spéciales pour pimenter le parcours. Par exemple, une carte avantage : « Dupont-Moretti à vos côtés : immunité pénale. Plus aucun tribunal administratif ne peut vous atteindre pendant trois tours ». À l’inverse, une carte polémique peut fragiliser un joueur : « Poutou s’en prend à vous en débat. Vous perdez 1 million d’euros de soutien et votre équipe doit gérer une crise de réputation ». Les pions font référence à des figures politiques : « Le costume d’Emmanuel Macron », « Le scooter de François Hollande », « Le manoir de François Fillon » ou encore « Le chat de Marine Le Pen ».

Pour cette réalisation originale, Xavier Habrant a obtenu une note de 18/20. Pour ceux qui seraient intéressés par ce Monopoly politique, sachez qu’il n’existe qu’en version PDF. Mais qui sait, peut-être finira-t-il par être édité ?